Si l’Art, à travers la peinture, la sculpture, la danse…, s’est depuis des temps immémoriaux, intéressé précisément à sonder l’essence même de la vie, il faut bien comprendre et reconnaître que la lumière est au cœur même de ce qui à la fois les dévoile et les anime !... La Vie et l’Art sont en effet solidaires de la Lumière ! Certainement même sont-ils tout deux nés d’elle ! Et, pour ne pas déroger à cette grande tradition de l’Art, c’est sans doute ce que doit faire naturellement et par pure nécessité l’art photographique : prendre conscience maintenant de ce lien profond et indubitable qui les unis, hors du seul plan physique, et le mettre à profit !...
Nous, photographes, depuis toujours (c'est-à-dire, depuis qu’existe la photographie !…), chantons donc spontanément le monde de lumière qui nous entoure, vraisemblablement avec une certaine inconscience … Nous réalisons par là une interprétation personnelle de la grande symphonie de la vie ; souvent très humblement, nous reconnaissons le merveilleux qui est en elle et tentons de le traduire à travers des formes et des représentations photographiques plus ou moins fidèles ou nécessaires…
Mais pour moi, qui suis tout d’abord un expérimentateur passionné, il n’est principalement pas question de vouloir représenter fidèlement – comme le ferait par exemple un photographe reporter ou documentaire – les réalités du monde visible qui m’entoure… A travers cette passion, je vais au contraire à la rencontre de l’irréel, de l’imaginaire, et surtout, je cherche spontanément à témoigner de l’invisible et de tout ce que le monde renferme d’indicible…
Car, que traduisent en vérité les gestes subtiles et délicats de la danseuse butô, les formes géométriques et tortueuses du végétal, les rondeurs de la maternité, ou encore, les couleurs infinies de la lumière, si ce n’est, le mystère impénétrable, insondable de la VIE !... Et cela nécessite naturellement une écriture particulière, plus intériorisée et donc, plus poétique que descriptive, moins matérialiste… Ce dont justement le monde actuel a besoin !...
De ce fait, je ne suis évidemment pas impliqué ni tenté d’agir dans le cercle fermé de l’art Contemporain : art de la transgression, né de certains esprits « experts », et inspiré d’une démarche monolithique et généralement réductrice, quand elle n’est pas destructrice !... L’art à mon sens est avant tout systémique et constructif ! C’est un système complexe… Il est aussi le fruit une interprétation méditative quasi mystique et alchimique, qui permet de voir au-delà des apparences, une certaine « Supra-Réalité » (c'est-à-dire, une réalité qui se place au dessus du visible). Et j’aime par ailleurs, à partir de là, expérimenter fréquemment, et avec délice, tous les possibles du « photographique »… Surtout ceux de la lumière ou du corps, bien évidemment, mais également, tout particulièrement, ceux qu’offrent mon médium photographique… De ce mixte émergent des découvertes souvent inattendues et passionnantes, comme en témoignent par exemple, la série des Lumigrammes Stéréoscopiques (avec des ombres visualisées en relief !...) ou celle des Chromophotographies (« seul effet quantique visualisable » !...).
Ces expériences pourraient sembler purement techniques ou formelles. En réalité, elles ne le sont pas. Elles sont parfois fortuites : il y a des découvertes faites en chemin… Mais, ce sont presque toujours des intuitions et des émotions, nées de l’étonnement de la profusion des formes observées dans la nature, de la grâce et du rythme exprimé à travers la gestuelle du modèle ou du sublime des couleurs, qui excitent et motivent tout d’abord en moi une inspiration, puis une vision, et me permettent de développer seulement ensuite une expérience particulière, transcrites à travers un projet… Le projet étant, par les thèmes et le processus de création, un mode opératoire de création, et le sujet, à l’instar de la pierre du sculpteur, un simple support d’expression…
En cela, la photographie – encore si mal comprise actuellement – est à mon sens un moyen unique, créé pour exprimer et célébrer l’indicible que recèle et nous dévoile le monde lorsque nous sommes à son écoute. Une écoute tournée, les yeux grands ouverts, vers l’intérieur de nous même et vers les profondeurs de l’immensité universelle... Et, au-delà de cette matière pesante du réel et du temporel, imposée entre autre actuellement par les photographies documentaristes, c’est à travers une œuvre photographique distincte, et de fait en opposition au conventionnel – en utilisant la lumière révélatrice, support alchimique par excellence et matière de représentation pure, comme mode exploratoire – qu’émerge le moyen d’investiguer, de comprendre et de définir toute Vie comme étant justement l’expression naturelle de la Lumière…
Philippe Lavialle (Février 2009).
