Philippe Lavialle
Défense de la profession de photographe
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Défense de la profession de photographe 29/07/09 :

(Lettre réponse à Xavier ZIMBARDO)

 

 

 

 

 

Xavier,

 

Merci de ton mot réconfortant,

J'ai eu quelques problèmes personnels ces derniers tps et une grande fatigue qui a suivi... Ce qui explique que je n'ai pu aller à Arles comme j'aurai aimé.

 

Par ailleurs, la vieille cousine arlésienne chez qui j'allais (une ancienne copine de M. Rouquette, précurseur des RIP...) nous a quitté l'an passé à l’âge de 89 ans. J'avais donc un peu mes habitudes là bas, et je ne me sentais pas vraiment l'esprit d'y venir cette année, malgré qu'une amie, Eve Morcrette, y expose des nus que j'aurai bien aimé voir (aux ateliers SNCF, me semble-t-il)...

 

Pour ce qui est de Perpignan, j'y ai des amis et je pourrais donc passer, mais il me semble là encore difficile d'y venir, car ce sera la rentrée à l'X, et je serai très certainement chargé !... J'aviserai donc à ce moment là, car j'aimerai bien être tout de même présent afin de participer à ces actions salutaires pour la profession, et cela, malgré que Perpignan, avec une grande majorité de reportages très dures (voire insoutenables parfois !), me donne à chaque fois la déprime et même souvent la nausée !...

 

Sinon, j'ai été, je crois dans les premiers à signer la pétition et à la diffuser à bon nombre de mes connaissances professionnelles... Donc, je suis de tout coeur avec vous, surtout que quelques soient les statuts ou même les fonctions dans le métier, il me semble que nous devons tous être solidaires...

 

Car, non seulement la profession est actuellement désapprouvée et bafouée (donc en danger) pour des raisons mercantiles, mais, le métier est également dévalorisé depuis longtemps. J'entends par là (et je remarque cela tout les jours dans mon milieu de travail, où je pratique la communication ainsi que la photographie scientifique...), il n'y a plus aucun respect de la profession ; tout le monde pouvant aujourd'hui appuyer sur un bouton très, très facilement (tout au moins en apparence !). Nous entrons de ce fait dans un cycle aberrant (presque infernal !) où n'importe qui peut se substituer à un professionnel dans l'entreprise ou même ailleurs (reportage, etc) !... Le savoir faire technique, l’expérience, mais aussi, la connaissance concernant la maîtrise des aspects subjectifs de l'image, la composition, l'appréhension du réel, la construction du reportage, la structure d'un projet, etc... Tout cela se situe aujourd'hui en dehors des préoccupations de ceux qui ont ou qui encouragent ces pratiques scandaleuses (il faut le dire) de substitutions... De ce fait, dans beaucoup de milieux, on a fini par niveler la profession par le bas !...

 

La faute en est que depuis plus de 30 ou 40 ans, la profession n'a pas été professionnalisée ni donc reconnue institutionnellement. Comment ?!... Lorsque je faisais mes études de photographie, au milieu des années 1970, les professeurs de l'école nous bassinaient, avec raison, sur le fait qu'il nous fallait à tout prix passer et avoir au moins le diplôme du CAP de photographe ; cela du fait qu'une loi devait passer, imposant ce diplôme à tous professionnels voulant ouvrir ultérieurement une officine de photographe !...

 

Seulement voilà, alors que ce fût également le cas à l’époque, par exemple pour les coiffeurs (auxquels on exige aujourd'hui d'avoir, je crois, un BP ou même un BTS pour officier), la photographie ne s'est jamais déterminée sur ce point, et donc jamais professionnalisée officiellement. Sans être un adepte des diplômes à tout crin, je pense que sur ce plan, les grands syndicats de photographes (comme GNPP ou autres), n'ont absolument pas joué leur rôle (pourtant indispensable) à ce niveau depuis au moins 30 ou 35 ans, pour exiger à l'époque des mesures de l'état sur ce point !...

 

On voit d'ailleurs comment aujourd'hui en France, et sur d'autres plans que nos pures questionnements professionnelles actuels, les universités oeuvrent dans le domaine photographique de la manière la plus floue. J'ai vu sortir des jeunes (diplômés d'une université que je ne nommerais pas ici) avec un DESS en poche ou même davantage, incapable de déterminer correctement ce qu'est la photographie, car ils n'ont absolument aucune pratique effective : laboratoire ou prise de vue !... Ces gens là ne feront pas la profession, certes, mais je sais qu’ils imposent déjà leurs visions abstraites du médium dans les musées et les centres culturels par exemple, pour ne citer que ces exemples là...

 

De toute évidence, nous payons aujourd'hui le laxisme et le manque de vision (pour des photographes, c'est plutôt grave !!!)... Nous n'avons pas su interpréter les réalités ni prévoir l'avenir, et ça c'est dramatique pour les jeunes générations qui arrivent dans le métier aujourd’hui, et c’est donc tout à fait impardonnable !... Parce que nous les anciens, pour la plupart, nous avons tout de même su tirer les marrons du feu, et grassement pour certains qui on pu en profiter à des époques encore pas si lointaines !... Mais, devions-nous pour autant penser égoïstement que cela allait durer indéfiniment ? NON !...

 

Combien de fois ai-je tenté de former individuellement des jeunes (souvent déjà surdiplômés : ingénieurs ou autres), qui voulaient intégrer le métier avec des idées louables, mais sans avoir la niaque pour aller au bout d'une formation !... Pourquoi ? Simplement, parce que la photographie ?!... C'est trop facile !... Ca peut se pratiquer sans aucune étude ni effort particulier !... Tout au moins, c'est l'image qu'on en a donné en France depuis de trop nombreuses années, et le résultat est là !...

 

S'il est vrai que l'on apprend toujours son métier sur le tas, je crois tout de même aux vertus d'un apprentissage sérieux du métier (Le savoir-faire tout simplement de l’artisan !). Les grandes avancées de nos cultures se sont ainsi réalisées, par le travail, l'approfondissement et l'étude (des Compagnons, par exemple) !... C'est ce qui donne sa stature au métier et qui fait qu'on est respecté. Mais, évidemment, cela ne peut pas plaire à tout le monde !... Combien de photographes pro (reporters ou autres, très bons au demeurant dans leur créneau), qui ont pourtant fait ce choix d'un métier parfois difficile, n'ont jamais réellement appris le métier, et ne connaissent que très marginalement, pour ne pas dire sommairement, les tréfonds de leur médium ?!... Au point d'avoir souvent dénigré des méthodes ou des techniques avérées du fait de leurs lacunes et de leur ignorance !... Je pourrais évidemment citer maints exemples concernant ces sujets, mais il me serait trop long ici de les énumérer, et cela me déprimerait de toute façon encore davantage, parce que, à cause de ces négligences, nous avons déjà beaucoup perdu, et que nous risquons de perdre encore davantage, quoi que nous pensions et sans doute quoi que nous fassions !...

 

A moins qu'une réelle et profonde prise de conscience et qu'une reprise en main très ferme soit décidée au plus haut niveau !... Je pense là à l'exemple des USA, qui forment des photographes très sérieusement dans des écoles de haut niveau et des universités, mais proposent également des formations d'initiation personnelles au collège, au lycée ou encore à l'université !... Alain Desvergnes (ancien directeur de l'Ecole D'Arles et des RIP), qui a également enseigné là bas au plus haut niveau, connais je crois assez bien cette question. La photographie est donc reconnues dans ce pays, comme dans d'autres (anglo-saxons en particulier), parce que, nous sommes dans une société de l'image, et que cela s'impose au simple bon sens !... Soyons pragmatique, voilà tout !...

 

J'espère ne pas avoir été trop ennuyeux.

A très bientôt j’espère Xavier,

Bien amicalement,

 

 

 

Philippe Lavialle.

 

 

 

 

 

 

 
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